Autrefois, le parcours d’une “amende” pour une infraction de roulage suivait le parcours judiciaire ordinaire: un courrier au contrevenant, une proposition de transaction s’il ne réagissait pas, un rappel et une citation à comparaître devant le tribunal de police s’il faisait la sourde oreille ou s’il voulait assurer sa défense.
Cette lourdeur procédurale et le manque de moyens pour traiter ces petites affaires ont fini par distiler l’idée que les amendes n’étaient pas poursuivies si on ne payait pas. Il reignait un sentiment d’impunité. Pour décharger les tribunaux, le législateur a décidé de rendre la procédure plus rapide et plus directe. Le procès-verbal (PV) ne passe plus par la voie judiciaire mais la procédure est désormais automatisée (Cross border). Le PV porte alors le nom de perception immédiate (PI).
Parcours de la perception
Un courrier de la zone de police est envoyé au contrevenant. Il est appelé pro justitia. On y trouve la nature de l’infraction, l’identité de la personne liée à la plaque d’immatriculation, etc. Il est joint avec un formulaire de contestation à renvoyer dans les 10 jours. Une copie du PV est envoyée au parquet. Ce dernier envoie ensuite un courrier sur les modalités de payement. Si le contrevenant paye la PI, il reconnaît les faits et l’affaire est clôturée définitivement. En revanche, s’il ne répond pas ou s’il conteste, la procédure suit son cours. Le procureur (en réalité, ce sont ses collaborateurs) examine les arguments de défense. Il peut décider de classer le PV sans suite ou de poursuivre. Dans le second cas, il envoie alors une proposition de transaction. Autrefois, la PI était majorée de 10 euros. Depuis 2020, le tarif est majoré de 35 % de la PI (proposition de transaction pénale) puis de 33 % (ordre de payement). Ce supplément est dissuasif et a pour objectif de faire réagir rapidement le contrevenant (payer, contester) et évite de renvoyer tous les dossiers sans réponse devant les tribunaux. La contestation multiple entraîne une citation en comparution devant le tribunal de police. Face au juge, la personne expose ses arguments. Le magistrat peut décider d’acquitter la personne ou au contraire imposer une peine principale (amende, emprisonnement) et d’autres conditions (déchéance, repasser les examens).
Depuis février 2023, le SPF Justice a automatisé son processus qui se termine par un recouvrement forcé grâce à un “ordre exécutoire”. Le SPF Justice renvoie le dossier au SPF Finances qui est habilité à opérer une saisie sur salaire par l’intermédiaire d’un huissier de justice sans passer par une décision de justice. Cela concerne à la fois un recouvrement de la somme via les contributions directes, une saisie sur le compte bancaire, voire encore l’immobilisation de la voiture du contrevenant.
Les infractions soumises à une PI
Comme on l’a vu, la perception vaut essentiellement pour les infractions de roulage ordinaire. Cela correspond aux infractions du 1er, 2e et 3e degré. On peut citer l’usage du téléphone, le stationnement gênant, le franchissement d’une ligne blanche continue… Pour le 4e degré, il n’y a plus de PI si vous êtes résident belge. Les étrangers en revanche doivent régler le montant sur place. Pour toutes les infractions plus graves, ou au-delà du cumul d’un certain montant, l’agent rédige un procès-verbal envoyé au Parquet. Ce dernier décide des suites: proposition de transaction ou citation à comparaître.
La PI s’applique également pour l’imprégnation alcoolique punissable. Elle est de 105 € pour les professionnels de la route entre 0,09 mg et moins de 0,22 mg et pour autant que l’infraction n’ait pas causé des dommages à des tiers. Pour tous les autres conducteurs, la PI coûte 179 € pour le 1er degré d’intoxication et 420 € pour le 2e degré. Au-delà de 0,5 mg, l’infraction est suffisamment grave pour renvoyer le contrevenant devant le tribunal.
Enfin, les excès de vitesse légers sont également concernés. Les dix premiers km/h au-dessus de la vitesse maximale coûtent 53 €. Au-delà, il faut compter 11 € à chaque km/h supplémentaire en agglomération, aux abords d’une école, en zone 30 et en zone de rencontre. À 58 km/h au compteur en zone 30, il faut déduire 6 km/h pour obtenir la vitesse corrigée. Ça nous fait 52 km/h, soit 22 km/h en plus (53 € + [12 km/h X 11 € ] = 185 €. Au-delà d’un dépassement de 30 km/h, c’est le tribunal obligatoirement. Hors agglomération, ce n’est plus 11 € mais 6 € par km/h supplémentaire et une limite de 40 km/h de dépassement.
Consultez le PDF de l’arrêté royal du 19/04/2014 concernant les perceptions immédiates.
À titre de renseignement, ce ne sont pas les seuls domaines d’application. La perception immédiate est aussi d’usage pour le permis de conduire, les rallyes, l’immatriculation, le règlement du transport de marchandises dangereuses (ADR) et les infractions aux conditions techniques.
Attention au placement d’un nouveau radar. Ceux qui ont pris l’habitude de faire de légers excès de vitesse sur des tronçons où la vitesse n’est pas contrôlée risquent de recevoir un paquet de PV à l’installation d’un nouveau radar fixe. En avril 2023, une habitante de Hannut, a été flashée 70 fois en 23 jours (environ 6.000 euros).
Tarifs de la perception immédiate et de l’amende
J’ai repris ci-dessous les tarifs¹ de la perception immédiate. La proposition de transaction se fait par le Parquet. L’amende quant à elle ne peut être prononcée que par un juge lors d’une condamnation. Elle n’intervient que dans les cas graves ou de récidive. Le montant de l’amende est à l’appréciation du juge en fonction de la classification de l’infraction. D’autres coûts sont à prévoir suite à une condamnation: les frais de justice (± 70 €) et ceux versés au fonds d’aide aux victimes (150 €) si l’amende dépasse 150 €. Seuls le Parquet et le SPF Finances peuvent accepter un étalement éventuel du payement. Les montants de l’amende sont déjà multipliés par les décimes additionnels (x8).
Degré d’infraction | PI | Proposition | Amende (tribunal) | Déchéance du permis |
---|---|---|---|---|
1er degré | 58 € | 85 € | 80 à 2000 € | non |
2e degré | 116 € | 160 € | 160 à 2.000 € | facultatif |
3e degré | 174 € | 235 € | 240 à 4000 € | facultatif |
4e degré | — ² | — ² | 320 à 4000 € | obligatoire |
¹ Depuis le 1er mai 2017, les tarifs ont été régionalisés. En Wallonie, les montants sont augmentés.
² La citation devant le tribunal est obligatoire pour une infraction du quatrième niveau. La PI de 450 € n’existe que pour les personnes ne résidant pas sur le territoire belge. Dans un souci d’équité, le législateur a voulu que le tarif corresponde plus ou moins aux frais qu’entraînent une citation devant le tribunal pour les résidents belges.
Les fonctionnaires compétents
Les plus connus sont les policiers lors des contrôles routiers mais ils ne sont pas seuls.
- Le personnel du cadre opérationnel de la police fédérale ou locale.
- Les agents de l’administration des douanes dans l’exercice de leur fonction.
- Les brigadiers de la route et les contrôleurs de la Direction contrôle du SPF Mobilité.
- Les fonctionnaires mandatés par le procureur général.
Cumul et récidive
Le policier a ce qu’on appelle un pouvoir discrétionnaire; parmi les infractions légères, il peut décider de rappeler à l’ordre, de dresser un PV d’avertissement et/ou verbaliser. Ce n’est évidemment pas le cas dès lors que l’infraction doit cesser comme une imprégnation alcoolique ou un défaut d’assurance. Si plusieurs infractions sont commises simultanément, il peut y avoir cumul avec une limite. Théoriquement, il est possible de cumuler 6 infractions du premier degré, 3 du deuxième et 2 du troisième. Au-delà, c’est une citation à comparaître devant le juge. Pour les étrangers, le plafond est fixé à 866 €. À noter que les tarifs relatifs d’alcool (105, 179, 420 €) sont indépendants de ce calcul. On peut se retrouver avec une PI de 174 € pour un dépassement interdit à droite et en plus une PI de 420 € pour une alcoolémie de 0,35 mg AAE.
En matière de récidive, elle n’existe pas pour la perception immédiate puisqu’elle ne vaut que pour les jugements au tribunal. Néanmoins, le Parquet peut toujours reprendre la main. En pratique, c’est très rare. Ainsi, un contrevenant peut se faire verbaliser plusieurs fois pour la même infraction de roulage sans subir les effets d’une récidive. C’est l’effet négatif de la mesure puisque certains conducteurs se permettent de répéter des petites infractions sans aucun désagrément si ce n’est le payement de la PI… quand ils se font prendre ! Cela dit, si l’officier remarque une récurrence, il peut choisir de dresser alors un PV plutôt qu’une PI.
La perception immédiate est une proposition indirecte faite au contrevenant. Selon les circonstances où les objectifs, le Parquet peut décider de reprendre la main et d’imposer un retrait de conduire. Certaines zones de police le font pour des actions ciblées pour des infractions récurrentes comme l’utilisation du GSM au volant. Il peut aussi décider de citer à comparaître la personne devant le tribunal. De son côté, l’intéressé qui reçoit une PI peut aussi contester et avancer ses moyens de défense devant le procureur. Ce dernier a plusieurs choix: maintient de la PI (cela devient alors une “proposition”), citation, classe sans suites…
Contester une perception immédiate
En réglant la PI, l’auteur des faits reconnait indirectement l’infraction. S’acquitter du montant revient donc à éteindre l’action publique, à clôturer le dossier. Pendant un mois à partir de la date du payement, le Parquet peut toujours reprendre le dossier et vous citer devant le tribunal. C’est surtout vrai si l’infraction de roulage est liée à l’alcool avec une récurrence du comportement. Du côté du l’auteur des faits, le payement empêche la contestation! Beaucoup pensent qu’il vaut mieux d’abord payer puis argumenter. C’est une erreur. Une solution est de répondre via le formulaire-réponse pour faire entendre votre point de vue. C’est le moment de restituer les faits, de contextualiser, de présenter vos circonstances atténuantes ou de demander un étalement de payement si vous reconnaissez les faits. Le tout est alors envoyé au Parquet. Le risque d’assurer sa défense c’est d’apporter des éléments à charge. Le mieux est de consulter en premier le service protection juridique de son assurance pour avoir son avis. L’autre possibilité est de faire appel à un avocat spécialisé en roulage. Cela ne coûte rien de lui soumettre votre dossier. En revanche, s’il accepte de vous défendre, la note risque d’être salée mais tout va dépendre de l’enjeu. Un gros excès de vitesse entraîne un passage devant le juge, une forte amende, une déchéance du droit de conduire pour toutes les catégories de véhicules, une inscription au casier judiciaire… Cela vaut sans doute le coup d’investir 1.500 euros dans les frais d’avocat (Me B. Gysels, SudPresse 19/09/23).
Le ministère public a plusieurs choix: classer sans suite, poursuivre via une proposition de transaction ou vous citer à comparaître. Dans le deuxième cas de figure, le choix du contrevenant reste entier. Soit il se rétracte et paye in fine la proposition de transaction. Soit il est convaincu de son bon droit et se sent prêt à le prouver (preuves à l’appui !) devant le tribunal de police. Il a intérêt à bien préparer sa défense car il remet en question la constatation d’un agent qualifié, confirmé par le substitut et soumis au juge. Il peut aussi espérer la clémence du barreau ou un sursis si les conditions du dossier lui sont favorables. Dans certains cas, notamment les grands excès de vitesse, la ‘victime’ tente plutôt de glisser entre les mailles du filet en cherchant un vice de procédure ou un manquement dans les appareils de mesure. En fin de compte, si l’infraction est établie, il y a condamnation avec la possibilité de faire appel dans les 25 jours à daté du jugement.
Les avantages de la perception immédiate
Cette formule offre plusieurs avantages d’un côté comme de l’autre. Pour le contrevenant qui paye sans contester, elle coûte moins cher en argent, en temps et en stress. Ce n’est jamais agréable de devoir se confronter à un tribunal. Le payement éteint immédiatement l’action publique. Il n’y a pas d’inscription au casier judiciaire. Pour les services de police et la justice, elle évite la mise en route de toute la machine judiciaire (citation, audience, mesures d’exécution). Elle permet également de clôturer l’affaire rapidement.
Les cas où la perception immédiate est exclue
Il existe une série de cas où la PI ne peut être appliquée. Les cas prévus ci-dessous ne valent que pour les auteurs qui ont un domicile ou une résidence fixe en Belgique.
- Le contrevenant est mineur d’âge.
- L’auteur présumé n’est pas d’accord.
- Le fait constitutif de l’infraction a provoqué un dommage à autrui.
- L’auteur bénéficie du privilège de juridiction ou d’une immunité (diplomate, parlementaire).
- L’une des infractions constatées à la même occasion ne peut faire l’objet de cette procédure.
- La somme totale dépasse 347 €¹, exit les montants pour imprégnation alcoolique punissable.
- Un excès de vitesse ‘grave’ (+40 km/h hors agglo et +30 km/h ailleurs), une infraction du 3e degré couplée à une autre, ou une infraction du 4e degré.
¹ Pour les étrangers, c’est-à-dire les personnes qui n’ont pas de résidence fixe ou de domicile sur le territoire belge, le plafond se situe à 850 €, exit les montants pour imprégnation alcoolique punissable. Une consignation (sorte de caution) est faite à l’égard de la personne qui ne reconnait pas l’infraction. Le montant de la consignation comprend le tarif de l’amende, et les frais de justice éventuels. La personne avance l’argent et reste libre en attendant son jugement. S’il n’est pas en mesure de payer sur place, le véhicule est immobilisé pendant 96 heures (4 jours) le temps de réunir la somme. Les frais de dépannage et la durée de rétention sont bien évidemment à charge de l’intéressé et sont ajoutés à la consignation. Au-delà des 4 jours sans nouvelles, le véhicule est saisi pour 40 jours max. Ensuite, il est mis en ventes publiques. Le jour du jugement, l’intéressé n’est pas obligé d’être présent. En cas de condamnation, le dépôt d’argent est dû. Si la personne est acquittée, elle récupère ses liquidités.
Voir son dossier en ligne
Depuis juillet 2017, le SPF Justice a mis en place un outil en ligne nommé “amendes routières“. Il permet à tout contrevenant de suivre l’évolution de son dossier mais également de payer son amende par carte bancaire ou carte de crédit.
Depuis la fin mars 2018, ceux qui rechignent à payer ne sont plus envoyés devant le tribunal de police et devront s’acquitter d’un ordre de payement. Explications. Après une infraction constatée par la police, les informations sont envoyées électroniquement au SPF Justice. Ce dernier envoie un courrier au contrevenant dans les 6 jours à partir du moment de l’infraction. Ce ne sont plus deux documents (PV puis invitation à payer) mais un seul. En cas de refus de payement ou d’absence de réaction, il y aura une proposition de transaction majorée de 35 %. Par exemple, pour une infraction du 3e degré: 174 € + (174 X 0,35) = 235 €. Si le contrevenant ne réagit toujours pas, un ordre de payement est envoyé avec une nouvelle majoration de 30 %. Dans notre cas, la note monte à 305 euros ! L’amende est alors prise en charge par le SPF Finances et se transforme en dette fiscale. Ce dispositif veut mettre fin à la technique de l’autruche qui consiste à ne pas se manifester en espérant l’oubli du PV. Évidemment, toutes les personnes qui souhaitent contester l’infraction peuvent le faire en apportant des éléments solides.